Le refuge des Lacs Merlet

Mercredi 25 juillet, 17h

Un brin de montée qui se fait limite en trottinant, la joie d'être ici nous donne des ailes, le soleil commence à s'incliner après avoir donner à plein régime, "tutti va bene, ne crois tu pas? L'heure est si tranquille". Un brin de montée si tranquille...

... qui débouche sur un petit chalet, tout petit, tout typique, celui de Heidi, le vrai.

- Ooooh que c'est mignon ici!!
- C'est superbe.
- Il est ouvert, ce superbe refuge?
- Y a pas de raisons.
- Oui, tiens, il y a des gens...
- Avec le peu de randonneurs qu'on a croisé?
- C'est des gens là-bas, non?
- Mmmm...
- Y a personne, tu crois? Bah, on dirait bien...

Le temps de savourer le spectacle de ce chalet perdu dans ce petit coin de montagne et le conte de fée des Alpes est complet. Et puisqu'il y a toujours un princesse dans ce genre d'histoires, quelques marmottes nous accompagnent jusqu'au seuil de notre lieu de résidence.

Le Refuge des Lacs Merlet (2388 m.) est le petit frère du Refuge du Grand Plan. Un tout petit vallon, dont nous avons fait l'économie, les sépare. C'est par le Grand Plan qu'il nous fallait passer pour payer la nuit au gérant des lieux, et régler avec lui les détails techniques, notamment l'électricité. Mais les kilomètres accumulés (une bonne quinzaine maintenant) et l'attraction qui opère aux abords du Merlet nous ont poussés à la flemme. Il nous faudra finalement une dizaine de minutes à nous battre avec nos portables déchargés pour parvenir à joindre le Refuge du Plan et convenir d'un endroit où laisser le chèque pour notre nuit ici (8 euros/personne).

Pour l'heure, nous montons les trois ou quatre marches du chalet, notre avant-dernière crainte s'efface: il est ouvert, nous entamons la découverte du lieu. Sans électricité, qu'importe! (Oui... m'enfin quitte à défigurer une superbe facade typique et boisée...)


Le charme du cadre est époustouflant. Il est 17h30, nous venons d'arriver. Nous prenons gentiment possession de ce superbe refuge, bientôt à l'ombre de l'Aiguille du Fruit, et le calme et la sérénité au bord du plus bas des Lacs Merlet sont d'autant plus agréables et l'acclimatation facile pour le citadin que je suis...



... qu'à part les maitresses des lieux...

... nous sommes seuls!



Alors?.. Quoi? Dernière crainte. Est-ce qu'ils vont venir? Qui? Ceux et celles pour qui ce refuge est fait, chacun et chacune des randonneurs qui parcourent la vallée, un peu comme... Un peu comme nous, oui, comme nous qui sommes arrivés dans ce lieu vide et avons tout de suite aimé cette autre définition de la solitude, ici, au coeur des Alpes. Alors?.. Alors, c'est avec la plus grande précaution que nous serions prêts, Renaud et moi, à cultiver cette certaine idée du seul sur un chemin de chèvres à la montagne.

Peu d'autres randonneurs sur notre parcours, un refuge plus évident en amont, tout plein de spots merveilleux où s'arrêter sans le moindre risque (comme le Lac du Pêtre d'où les pêcheurs ne devraient pas bouger), et puis un certain talent que nous cultivons avec l'ardéchois de choix pour les "purs plans"... Ca s'annonce pas mal!

La fin de l'installation passe forcément par un gros moment de plaisir. L'idée de prendre soin de soi, après une journée durant laquelle il n'était pas question de se ménager, commence par défaire les chaussures et passer les pieds à l'eau fraiche de la source. Le soleil a tapé, j'ai les jambes écarlates, et les bras, Renaud a le front et le nez cuîts. Pour le moment coups de soleil sont surtout visibles, dans quelques heures ils ne seront plus que douloureux! Cons de parigots de base un peu sur le coup.

Plaisir et nécessité, gros moment de restauration, la huge pause Kit-Kat du jour. Ca va être bon, ils n'arriveront pas.

On prend nos aises, on ne parle pas, on hurle pour se raconter les moments forts du jour. On ne se marre pas, on se poêle de notre niveau de marcheurs pitoyables et pas si mauvais que ça. L'eau du thé frémit dans la casserolle, nos réserves de chocolat sont au beau fixe, nos cigarettes ont un goût de Provence... On est bien. On est tranquille. Un petit SMS est tombé dans la journée, un petit Octave est né, salut à toi!

Quelques problèmes de voisinage avec une marmotte juchée sur son rocher, qui depuis notre arrivée, et jusqu'au coucher du soleil, va couiner, et couiner, et couiner, et couiner, et couiner. Au pire moment, tout cela restera tout de même autrement plus supportable que les girophares de la France de Sarkozy.

(Je précise que si les derniers mois de la vie politicienne française vous pèsent encore, rien de mieux que de gagner ces petits coins de nature, pas si inaccessibles que ça)
On est tranquille?..

Ce ne sont pas les nuages à la ouate soyeuse et tendre qui remontent et accostent sur les aiguilles autour de nous qui nous inquiètent. Au contraire, ils en ajoutent au confort douillet de notre petit coin...




Alors qu'on ne les attendait plus, ils sont deux à venir plaquer sur notre solitude théorisée, l'axiome de la vérité sociale. Deux randonneurs, le batteur et son compagne Evelyne, qui remontent notre itinéraire de demain, avant de repartir demain vers le Petit Mont-Blanc. Lui se présente, et encore un peu plus, il aime bien ça apparemment. Elle le suit, elle le suit vraiment, elle aussi a l'air d'y trouver son compte. Ces nouveaux arrivants hument très vite la senteur de notre compagnie. Guère plus chauds que la nuit qui s'annonce, il ne faut pas compter sur Renaud pour la convivialité de groupe en pleine nature, et moi, ces circonstances me forcent au plus large sourire possible... pour mieux cacher mon gros-dodo de chat sauvage!

Renaud abat notre dernière carte pour éloigner ces importuns, qui plus est marseillais: il leur fait bien comprendre, par une très savante démonstration de matheux, que la nuit ici, c'est 8 euros, et basta... Un coup de maitre! Un quart d'heure plus tard, nos "invités" montent gentiment la tente sur le bas-coté du refuge. "Surtout si vous avez froid, n'hésitez pas à venir!" Sur le coup, on fait très fort. Un peu plus tard, sans doute pris de remords, c'est nous qui apporterons à leur repas volontairement austère une touche sucrée en guise de dessert. Paille d'Or et Bastogne, pour la plus grande joie d'Evelyne, qui suit le rythme de son batteur mais dont on sent bien sur le coup qu'elle réduirait bien la cadence. Notre générosité s'arrête tout de même juste avant notre sévère réserve de Kit-Kat, nous sommes vraiment des crapules.

Les dernières lueurs tâtonnent le long de la crête de Chanrossa...

... et la Lune se lève de l'autre coté, au-dessus du Roc du Mône...


Il ne nous reste plus qu'à jouer les marmottes, gagner nos pénattes, et laisser venir le sommeil.

4 commentaires:

Denis a dit…

A ça !, les Marseillais, c'est pas un cadeau, je compatis ...

DK 360 a dit…

A bon entendeur!..

DK 360 a dit…

Mais bon, grosse dédicace à eux quand même, d'avoir su venir se perdre dans ce coin merveilleux!

Denis a dit…

Quand je parlais des Marseillais, c'était au 2ème degré. Marseille est une ville d'une richesse humaine fabuleuse, ouverte, internationaliste, et surtout très éloignée du communautarisme que l'on peut constater à Paris, par exemple.